Hélène Artaud (2015)
Rapport réalisé dans le cadre de l'élaboration d'un projet local de santé publique multidisciplinaire.
YOGA POUR LES SENIORS
Le Yoga au service de la prévention des chutes et du maintien à domicile des personnes âgées
... entre autres !
Mon expérience.
Je suis professeur certifiée de Yoga Iyengar et j’enseigne le yoga à des personnes âgées, malades ou fragiles dans le cadre d’un cours spécifique d’une durée d’une heure par semaine depuis 5 ans. Depuis 2 ans, ce cours est intégré à la MJC de Chateauneuf de Galaure et porte un nom « Le yoga des Aînés ». J’avais aussi hésité à l’appeler « Fragil’Yoga ».
Deux personnes pratiquent depuis 5 ans, une personne depuis 4 ans, trois personnes depuis 3 ans, et deux depuis cette année. Huit inscrits en tout, toutes des dames, et occasionnellement une jeune femme handicapée mentalement. C’est le maximum pour ce cours dans lequel chaque personne demande beaucoup d’attention et d’ajustement.
Le taux d’absentéisme est très faible, bien plus faible que dans les cours généraux, la motivation des pratiquantes est grande, elles s’organisent pour venir en covoiturage, se préviennent et s’excusent de leurs absences, et arrivent toujours 10 minutes en avance pour pouvoir s’installer tranquillement en respectant leur rythme physique, leur envie de tranquillité, et leur besoin de socialisation.
Les deux dames les plus âgées ont 87 et 88 ans. Une d’entre elles est partiellement sourde, malgré ses appareils. Une personne atteinte de sclérose en plaques arrive au cours avec une béquille et pratique toujours à proximité du mur ou de deux chaises pour protéger son équilibre, une autre est en convalescence après un AVC et une opération du cerveau, une autre plus jeune, âgée de 62 ans est en dépression depuis 4 ans et le cours de yoga a longtemps été sa seule sortie de la semaine. Deux messieurs ont pratiqué pendant un an, mais ont arrêté pour graves raisons de santé. Toutes sont des personnes formidables.
Un privilège
J’ai un très grand plaisir à travailler avec elles et l’expérience de ce face à face est à chaque séance riche et renouvelée. En effet, le corps traduit dans son langage l’histoire des années passées et, en se mettant à l’écoute de ce langage, s’instaure une relation de corps à corps, dans la confiance, l’effort et la joie de vivre, que la verbalisation rend difficilement.
Les corps âgés ont besoin de mouvement, de respiration, mais aussi d’attention, de regard, de toucher. Les corps âgés ont aussi besoin d’exigence, parce que l’exigence peut être aussi une façon de dire la tendresse, qui rendra sa fierté d’être au corps.
Ce sont trop souvent des corps honteux, mal aimés, clandestins, qui arrivent pour la première fois au cours de yoga des Aînés. Au fil de la pratique, tous ensemble et progressivement, loin de tout infantilisme de bon aloi, et en se gardant de toute idéalisation non plus, obstinément sans jugement sur les autres mais surtout sur soi, nous nous proposons d’oser regarder et se regarder, de l’extérieur, de l’intérieur, d’oser bouger, explorer des sensations, se toucher, toucher les autres, retrouver le droit à la sensibilité, à l’initiative, au désir, au plaisir, y compris physique, à la curiosité, à l’invention. D’oser s’accepter aussi dans sa vulnérabilité, dans ses limites, dans sa faiblesse des jours plus sombres, accueillir toutes les émotions, l’amitié, retrouver des forces, s’abandonner, laisser passer.
Ces cours de yoga des Aînés sont pour moi une méditation sur la vie, une leçon de sagesse, que je découvre et que j’approche lentement, un peu plus finement de séance en séance.
Les écueils
En prenant de l’âge, deux écueils majeurs se présentent à nous : soit une résignation avant l’heure des signes de vieillissement, soit au contraire une surprotection de notre santé.
Dans le premier écueil, nous avons tendance à accepter comme inévitables des dégradations de notre santé physique et psychique, alors même parfois que les premiers signes de ces dégradations ne se sont pas encore fait sentir ! « C’est l’âge.. » entend-on d’un air résigné, des douleurs rhumatismales, « C’est l’âge » de l’arthrose, des lumbagos, des sciatiques, des varices, des essoufflements, « C’est l’âge… » du manque d’intérêt, des insomnies, des pertes de mémoire, des lenteurs de raisonnement, « C’est l’âge… » et l’on s’abandonne prématurément à un état que notre abandon-même ne fait que consolider.
Le second écueil est à l’opposé de celui-ci. Ce n’est plus ici l’abandon prématuré qu’il faut combattre mais la trop grande vigilance, qui nous met dans un climat de surprotection et d’inquiétude permanent. On finit par vivre dans une peur constante de la douleur, de la maladie, de l’accident. Le mouvement cessant, la vie s’étiole et le corps devient comme disponible pour la maladie et la mort. La pratique régulière du yoga permet de comprendre, et surtout de sentir que la santé, le bien être, vont bien au-delà de cette conservation statique d’un capital biologique.
Le chemin du yoga, un chemin pour tous
Le yoga indique un chemin, ce qui ne signifie pas bien sûr qu’il soit le seul, ni non plus qu’il soit étroit, pour aider chacun à bien vivre, et quand c’est le moment, pour aider chacun à bien vieillir. C’est à dire vieillir en préservant ou en améliorant si possible son capital santé, sa force vitale, son équilibre, sa souplesse, en acceptant et en accueillant ce qui est, en retrouvant ou en développant sa joie, sa tranquillité, et son courage, pour se rendre disponible à une vie qui peut être très riche pour soi et son entourage.
Les livres sur le yoga abondent, les idées reçues aussi. Peut-être avez-vous eu sous les yeux l’une ou l’autre de ces surprenantes photos, représentant un homme ou une femme tenant une posture acrobatique, avec un mystérieux sourire aux lèvres et qui font tout de suite penser que le yoga est destiné exclusivement aux personnes jeunes, aux anatomies quasi-parfaites et souples évidemment, capables de se couler sans effort en ces pauses serpentines. Cette récupération commerciale du yoga occidental le trahit voire le dénature, et en tout cas ne le représente pas dans la totalité de ce qu’il est.
Quand on conclut sans avoir commencé, d’un ton par habitude trop pessimiste, « Le yoga n’est pas fait pour moi », « Je suis trop vieux, trop raide, trop gros, pour commencer le yoga » ; je réponds « Non, tel que vous êtes, soyez tranquille, le yoga vous est accessible, comme à chacun, il n’est jamais trop tard ni trop tôt pour commencer». Et avec le yoga tel qu’il est proposé par les enseignants formés sur les pas de M.BKS Iyengar, avec les moyens et les méthodes qu’il a transmis, c’est encore plus vrai.
La richesse du yoga Iyengar
BKS Iyengar est un maître de yoga indien internationalement respecté, décédé à l’âge de 95 ans en août 2014. Il laisse derrière lui un travail considérable qui a permis la diffusion de cet art millénaire dans le monde entier et une école de yoga structurée autour de professeurs certifiés, régulièrement en formation continue.
L’enseignement du yoga selon BKS Iyengar est basé, comme dans le Hatha Yoga traditionnel, sur la pratique approfondie des nombreuses et différentes postures de yoga, les Asanas, et de la respiration Yogique, appelée Pranayama.
Cependant, trois points le caractérisent particulièrement :
L’apprentissage progressif des postures par l’emploi de matériel spécifique
Ces supports, fournis pendant les cours (sangles, briques, couvertures, chaises) permettent des corrections et des adaptations personnalisées pour que chacun puisse profiter de l’enseignement quel que soit son âge, ses capacités physiques ou même ses limitations (épaules raides, bas du dos fragile, prothèses diverses, impossibilité de s’allonger sur le sol par exemple). Nous avons tout ce matériel dans le gymnase de Chateauneuf de Galaure.
Dans le cadre du yoga des Aînés, l’emploi de matériel spécifique est un atout fondamental de la pratique. Chaque personne s’ajuste dans chaque posture avec le matériel qui lui correspond de façon totalement personnalisée, pour pouvoir pleinement profiter des sensations et des effets de la posture, en respectant ses possibilités, mais aussi en les exploitant le plus complètement possible, d’abord avec le conseil de l’enseignant, puis de façon de plus en plus autonome au fil des années de pratique.
L'attention portée dans chacune des postures à l'alignement des différentes parties du corps dans l’espace
Dans le cadre des cours de yoga des Ainés, les postures sont toujours montrées par le professeur. Les pratiquants observent d’abord le mouvement, enregistrent les placements et les reproduisent ensuite sur eux-mêmes, ce qui au fil des séances développe beaucoup leur capacité d’observation et d’attention.
Cette attention à l’alignement du corps dans l’espace et par rapport aux supports est soutenue par des conseils personnalisés. Chaque personne se sent regardée, elle est au besoin corrigée personnellement par des conseils adaptés, pour pouvoir immédiatement ajuster son corps ou ses actions dans la posture. Les ajustements peuvent être aussi manuels, le professeur posant ses mains sur les différents endroits du corps à faire évoluer pour donner sensoriellement la direction de l’action à engager. Les Ainés apprécient vraiment ce toucher attentif et exigeant et cette attention personnalisée. Ils comprennent et progressent beaucoup grâce à cela, en particulier pour les personnes qui entendent mal.
L'organisation des postures en séquences différentes d’un cours sur l’autre
Chaque posture proposée en yoga Iyengar procède d’une démarche réfléchie quant à la structure de la leçon. Ces séquences organisées méthodiquement permettent de progresser peu à peu dans la pratique, d’en retirer les effets de façon optimale et durable et de faire travailler tout le corps dans toutes les directions. L’intensité du travail postural est réelle, quelle que soit la forme de la posture finale obtenue par chacun, et varie suivant les types de postures (debout, assises, en torsion, vers l’avant, vers l’arrière, inversées, etc..), l’exigence respectueuse basée sur l’attention apportée au corps restant en permanence au coeur de toute pratique, même intense.
Dans le Yoga des Aînés, les postures à dominante articulaire sont très importantes, elles sont là pour combattre le non-usage de l’organisme, qui peut conduire lentement à l’ankylose, à l’atrophie, et à l’immobilité. Les postures stimulent la circulation du sang dans les muscles et les tonifient. Progressivement, la force musculaire augmente visiblement, les articulations s’assouplissent et les mouvements deviennent plus amples et plus harmonieux. Les pieds et les jambes se renforcent (nous travaillons toujours pieds nus), et cela se ressent dans la marche et l’équilibre. La posture générale se redresse, ce qui favorise une meilleure respiration, en diminuant les tensions qui emprisonnent la cage thoracique. Cela signifie un plus grand apport d’oxygène, plus d’énergie, plus de vitalité, et le cœur et le système digestif en bénéficient directement.
Même si le yoga n’a pas pour vocation de soigner, il est assez évident dès que l’on commence à pratiquer qu’il peut avoir de puissants effets « thérapeutiques » aussi bien sur le corps que sur le mental (soulagement voire suppression de certaines douleurs articulaires par exemple, maux de dos, de nuque, de genoux, douleurs d’épaules, apaisement des angoisses et des insomnies, etc…). Plus d'information sur les effets des différentes familles de postures : la méthode Iyengar
Au-delà des définitions, proposition d’un certain yoga et surtout une certaine façon d’être dans la pratique
Un yoga d’entretien : « Entretenir » « faire durer », « prolonger », « garder en bon état » oui, c’est vrai.
Mais surtout, « s’entretenir avec », « parler avec », non pas tant de moi à l’autre, mais de moi à moi. A travers les exercices de yoga, je m’entretiens avec moi-même, avec la vie en moi, avec le désir de vivre en moi.
Avec la pratique du yoga, nous découvrons que l’ouverture à soi et l’ouverture à l’autre, aux autres, sont intimement liées : en améliorant la relation à soi, simplement d’abord parce qu’on se sent mieux dans son corps et dans sa tête, puis progressivement parce qu’elle favorise le contact intime avec ce qui est unique et authentique en soi, cette pratique nous rend plus ouvert, plus disponible pour la relation à l’autre et pour une belle présence à la vie telle qu’elle est.
Et puis si l’on veut rester simple, et avec les Ainés, c’est la simplicité qui parle le mieux, il invite à bouger, à se détendre, à respecter son rythme, à mieux se connaître, dans une ambiance positive, chaleureuse et créative pour laisser jaillir sa joie de vivre.
Soyons concrets !
Ma mission dans le cadre de l’enseignement du yoga aux personnes âgées consiste à améliorer la qualité de vie en proposant une méthode dont l’objectif vise la mobilité, l’équilibre et l’autonomie sans oublier la joie de vivre et la tranquillité.
Les postures de yoga (asanas) renforcent le corps, lui apportant souplesse et stabilité. Une posture de yoga peut être définie comme étant une position du corps :
1- vécue un certain temps (de quelques secondes pour des postures actives, engageant un effort de renforcement ou d’étirement musculaire, à plusieurs minutes pour les postures passives, habituellement placées en fin de séance et très appréciées des pratiquants… où le travail se fait tout seul !),
2- dans l’immobilité apparente (qui permet une écoute très fine des sensations internes qui émergent pendant la pratique posturale, ainsi qu’une observation précise des effets de la posture une fois quittée la position demandée).
3- dans l’aisance, mais avec fermeté. Avec cet arrière-plan de sensibilité et de dialogue amical et respectueux avec son corps, l’exécution des mouvements se fait d’une façon progressive dans la fermeté, l’exigence, l’effort juste, à chaque instant dans la pleine intensité de la sensation, sans comparaison, ni compétition, mais sans que la prudence ne devienne de la crainte ou de la timidité excessive. Le yoga Iyengar nous rend plus lucide sur nos possibilités tout en nous invitant en permanence à l’aventure, en allant explorer les limites sans les dépasser. Les Aînés ainsi encouragés se révèlent alors étonnants de potentiel, ce qui est une source de grande joie pour aux mêmes et pour le groupe.
4- avec une respiration tranquille (on ne peut concevoir les postures sans cet élément fondamental qui caractérise la pratique du yoga). Pour les Ainés, nous laissons un peu de côté la très riche quantité des techniques respiratoires traditionnelles (respirations alternées, pauses, rétentions, etc…). Nous nous efforçons « simplement » de prendre conscience dans le corps du phénomène respiratoire, en particulier en accompagnement et en soutien de la mobilisation corporelle. Un des objectifs principaux du yoga au niveau postural est d’allonger la colonne vertébrale. Le yoga grâce à des étirements, des flexions, des torsions, favorise une bonne posture et renforce les muscles du dos. Cela a une conséquence directe sur la respiration naturelle, et sur une meilleure utilisation de notre capacité pulmonaire, qui souffre d’une cage thoracique imparfaitement soutenue, dont les années accentuent la tendance à l’affaissement, sur fond de déficiences vertébrales et musculaires.
5- avec une attention focalisée, qui engage la concentration. L’idée de concentration évoque souvent pour nous l’image d’une crispation, d’une contraction, qui demande un grand effort et amène de la fatigue. En yoga au contraire, c’est la notion de repos qui est associée à celle de concentration. Quand toute notre possibilité d’attention se polarise sur un seul objet, c’est comme si le reste n’existait plus. La concentration nous libère momentanément des autres sujets de préoccupation, nous permet de revenir à un espace mental plus vaste, ou pour commencer, à reposer le cerveau, expert en histoires et en scénarios qui peuvent se révéler être la source de grandes souffrances physiques et mentales, ce qui aide tout simplement, et c’est un témoignage commun à tous les pratiquants, à relativiser les aspects négatifs de nos vies.
6- avec une prise de conscience sur certains points précis du corps, et certaines actions (étirement, contraction, intensification, relaxation). Sentir bouger les muscles, sentir où ils s’insèrent, apprécier ce jeu d’étirement et de compression dont nous sommes les maîtres d’œuvre, et cela en état de calme et de présence, voilà un subtil travail qui favorise en nous une précieuse connivence avec notre corps. Plus largement cette prise de conscience, d’abord sensorielle, devient ensuite plus globale, et s’étend avec la pratique à notre sphère mentale (nous prenons conscience de nos pensées) et émotionnelle. Cette conscience peut même s’étendre par instants à toute la réalité qui nous entoure, dont nous pouvons parfois avoir l’intuition d’une façon presque instinctive qu’elle fait partie d’un tout dans lequel nous appartenons aussi, dans un vaste sentiment d’unité sans limites. Le mot yoga est d’ailleurs issu de la racine sanskrite « yug » qui exprime l’idée d’union, de jonction. Mais c’est une expérience, un ressenti très intime, qu’il est difficile de mettre en mots, et que chacun vit en toute liberté à sa façon particulière, ou ne vit pas.
Les Aînés m’ont encouragée avec les années à développer ces temps de détente guidée d’une façon méditative, car la qualité de leur joie de vivre après ces séances était proprement sidérante. Je pratique moi même dans ce sens depuis plusieurs années, soutenue et inspirée par l’enseignement de mes différents professeurs que je remercie.
La respiration consciente en fin de pratique, quand le corps est encore tellement vivant de l’énergie de la pratique, peut se traduire par une sensation d’expansion, en même temps qu’un ancrage très intense dans l’instant présent. Cette conscience nous invite à nous mettre en contact avec la vibration de notre propre Présence, « nous sommes là et nous sommes vivants, nous Sommes ». Sur les expirations, progressivement, dans la détente, nous lâchons, pour un instant comme suspendu, tout ce que nous croyons que nous sommes, nos différentes identifications (notre âge, notre santé, nos familles, nos possessions, notre situation sociale) et nous pouvons entrer en confiance dans un espace de paix et de joie spontanée. Un espace qui est en nous, un espace qui est nous. Qui est moi. Certains Ainés captent très vite ces moments d’éternité, beaucoup mieux que beaucoup d’autres pratiquants plus engagés sur le chemin de la performance. La qualité de leurs états méditatifs que je perçois dans la joie qui rayonne d’eux après les séances et dans leurs mots simples qui ressemblent tellement à ceux que je lis dans les enseignements des maîtres indiens me touche profondément, moi aussi sur le chemin.
En résumé, à travers les postures, le souffle, la concentration et la relaxation, le yoga nous engage ainsi dans une aventure intérieure de connaissance et de transformation de soi : conscience du corps et de la respiration, de nos potentialités et de nos limites, de nos émotions et de nos pensées.
Les photos ont été prises lors de la séance du 22 avril 2015, vous les trouverez dans ce document : Cours des Ainés.pdf
Une hygiène de vie, à prolonger chez soi, dans son quotidien
Les Ainés ont très rapidement compris, encore une fois plus vite que les pratiquants des cours généraux, parce que c’est leur corps qui l’a compris, que s’ils voulaient garder les bénéfices de la pratique, ils devaient pratiquer chez eux, régulièrement, tous les jours ou presque, au moins quelques minutes. La plupart d’entre eux sont très réguliers et pratiquent un quart d’heure chaque matin et parfois même l’après-midi. Presque tous ont acheté du matériel, un tapis, un coussin, des sangles, certains se sont même créé leur propre matériel, comme un petit rouleau pour soutenir les dorsales en position allongée !
Une fois comprise l’orientation de la pratique, les Ainés se révèlent formidablement créatifs et m’expliquent comment ils font tel et tel mouvement avec le support de leur escalier, de leur balcon, de leur évier, etc… C’est comme si toute une liberté de bouger leur était enfin accordée, ou plutôt comme s’ils s’autorisaient enfin à la vivre.
Et au-delà des exercices eux-mêmes, ils racontent une toute nouvelle attitude qu’ils ont par rapport à leur corps, très souvent dans la journée, comme un invisible fil rouge de la conscience du corps et de la joie de le sentir vivant tel un compagnon :« On mange en se tenant bien droit », « On marche plus vite et on sent ses pieds dans ses chaussures » « On se place mieux quand on fait la queue au supermarché et du coup ça passe plus vite et on n’a pas mal au dos » « On fait la posture de la montagne sous la douche », « On se caresse les mains et quand on s’ennuie, on les étire. D’ailleurs, on s’ennuie beaucoup moins ! » « On repère quand on devient négatif ou qu’on se rabâche ». « On respire, ça fait du bien ».
Quand je rencontre leurs enfants ou leurs petits enfants à l’occasion dans le village, ils me disent parfois « Ma mère, ma grand-mère a comme rajeuni, elle a une de ces pêches, le yoga y est peut-être pour quelque chose. » Peut être.
A l‘écoute de leur expérience
Merci Bernadette, Brigitte et Gisèle pour leur témoignage d’une pratique de plusieurs années des bienfaits du yoga dans un groupe amical de personnes âgées ou fragiles.
"Je suis une personne à mobilité réduite, suite à une pathologie neurologique évolutive, me paralysant progressivement les jambes avec pour conséquence de nombreux troubles de l'équilibre. Grâce au matériel bien adapté, je peux pratiquer étirements et assouplissements : briques, mur, chaises, sangles me permettent de pratiquer les exercices en toute sécurité. J'ai appris à faire avec mes capacités diminuées et à apprécier ce qui marche encore...notamment mes bras et mes mains qui me permettent de faire des tas de choses. Je les remercie chaque jour dans les méditations que le yoga m'a appris pour la connaissance de moi-même et pour rester zen. Merci Hélène."
"Après avoir été opérée d'une hydrocéphalie, j'ai repris les cours de yoga d' Hélène : les différentes postures réalisées me rendent plus cool, me font apprécier tous les petits instants de la vie, je ne fais plus la difficile à satisfaire comme avant ...."
"La vieillesse est bien sûr accompagnée de son lot d’inconvénients, mais les bienfaits du yoga me sont très utiles pour les atténuer.
Ils se traduisent chez moi par un mieux-être général, une plus grande vitalité et me permettront, je l’espère, de rester autonome plus longtemps. C’est une approche positive pour entretenir mon élan de vie, enrichissante et bénéfique sur bien des plans physiques évidemment, mais aussi psychologiques et pour moi en tout cas, spirituels. Je respire. C’est tout. Je deviens plus simple."
Quelques réflexions inspirantes
« Le yoga cultive les moyens de maintenir une attitude équilibrée dans la vie de tous les jours, et développe la capacité à être performant dans nos actions. Le Yoga est une lumière, qui une fois allumée, ne faiblit pas. Plus vous pratiquez, plus la flamme est brillante. »
La voie de la paix intérieure (BKS Iyengar,1918-2014)
Site de l'association française de yoga Iyengar
« Aucun corps n’est identique, il ne peut donc y avoir une seule et unique approche. Ce qui est valable pour moi sera un obstacle pour quelqu’un d’autre. (…)
Les différentes techniques des asanas (les postures) ne peuvent être imposées au corps qui n’est pas prêt pour les recevoir et les intégrer. Il faudra donc, pour chaque asana, commencer par des préliminaires qui prennent en compte les circonstances et la réaction de mon terrain. La pratique doit se déployer selon un rythme graduel, comme un chanteur lyrique qui commence par des vocalises. On commencera ainsi par des exercices accessibles, qui m’ouvrent à une aisance d’accueil. (…)
La contemplation du héros (Christian Pisano)
« … Je croyais que mon voyage touchait à sa fin, ayant atteint l’extrême limite de mon pouvoir. Que le sentir devant moi s’arrêtait, que mes provisions étaient épuisées, et que le temps était venu de prendre retraite dans une silencieuse obscurité.
Mais je découvre que (…) quand les vieilles paroles expirent sur la langue, de nouvelles mélodies jaillissent du cœur, et là où les vieilles pistes sont perdues, une nouvelle contrée se découvre avec ses merveilles. »
Rabindranath Tagore, poète, musicien et philosophe indien (1861-1841)
« Tous les espoirs sont permis pourvu que vous disiez : l’endroit où accomplir de grandes choses, c’est exactement là où je suis. »
Swami Sivanada (1887-1963), médecin puis maître spirituel indien, enseignant de yoga
« Toute partie de l’organisme non utilisée et inactive est source de maladie, défaut de croissance et de vieillissement prématuré ».
Hippocrate (377 av. JC)
Quelques livres de travail qui m’ont aidée à rédiger ce texte et à me former spécifiquement sur le sujet
« Tournons le dos aux performance, mais pas à l’effort. Refusons la mortification, mais pas l’ascèse. Rions du snobisme, mais pas de la curiosité.
Le « faire » est sans grande importance à côté de la connaissance de nous-même que nous pouvons solliciter dans les mouvements les plus simples. »
Un yoga pour le troisième âge (Sophie Demolière, éd : Universitaires)
« Nous croyons fermement aux bienfaits de l’exercice physique sous toutes ses formes. Bien qu’il présente des aspects gymniques, en améliorant le tonus musculaire, le yoga ne peut en aucun cas être confondu avec la culture physique, parce qu’il invite à l’intériorisation et que les mouvements sont initiés et vécus avec une pleine conscience des sensations. C’est une discipline multidimensionnelle, puisqu’il touche le corps, l’esprit et l’âme. »
Yoga Tout, le yoga des aînés (Carole Morency, éd : L'Homme)
« Toutes les postures doivent se faire en maintenant l’allongement de la colonne vertébrale. Cela signifie que la distance entre le coccyx et le sommet de la tête est toujours maximum, que l’on soit en torsion, assis, debout, couché ou à l’envers. Dans ces conditions, la distance entre chaque vertèbre est maximum dans toutes les directions »
Gym avec une chaise (Dr. Bernadette de Gasquet, éd. Marabout))
« S’entraîner à se relever. Malgré l’entraînement aux déséquilibres maîtrisés, la chute n’est pas impossible. Être obligé de rester par terre étant terriblement angoissant, il faut absolument savoir se relever. »
Gym douce pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite (Olivier Quentin, Jacques Choque, éd : Amphora)
« Continuer à pratiquer le renforcement musculaire des membres inférieurs permet de maintenir, voire d’améliorer sa masse musculaire qui tend à diminuer en vieillissant. Cette fonte musculaire est souvent source de perte d’équilibre. La pratique physique peut contrecarrer la fragilisation des os, qui peut favoriser l’apparition de fractures lors de chute. L’exercice favorise la nutrition du cartilage, élément de prévention de l’arthrose et de gain de mobilité articulaire. »
Gym douce en position assise pour les seniors et les personnes à mobilité réduite (Martine Lemarchand, éd. Amphora)
«Le yoga adapté aux personnes âgées nous donne de bonnes raisons d’espérer des heures et des jours pleins de vie. Cependant comme dans tout apprentissage, la modération, la voie de l’équilibre et la patience sont fortement conseillées. (…) Bien sûr, il faut s’en donner les moyens, mais la volonté et le courage sont des qualités qui se développent grâce à la pratique. »
Yoga et troisième âge (Jacques Choque, éd. Albin Michel)
« Les supports sont incontestablement une importante caractéristique du yoga Iyengar, mais ils ne doivent pas être confondus avec son essence. Les supports sont seulement des moyens au service d’un objectif comme l’alignement, la stabilité, la précision et le fait de pouvoir rester plus longtemps dans une posture.(…). Les pratiquants doivent être vigilants pour ne pas développer de dépendance vis à vis de leurs supports. Au contraire, les supports doivent être employés intelligemment dans le cadre de la recherche de plus de maturité et de conscience dans la pratique."
A chair for Yoga, a complete guide to Iyengar Yoga practice with a chair (Eyal Shifroni), avec ma traduction
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