Stuart Page (formation Bernard Valette, 2011)
LE SANSKRIT
langue sacrée de l'Inde
D’un point de vue linguistique, le sanskrit appartient à la grande famille indo-européenne de langues, dans laquelle on trouve aussi, parmi d’autres, le latin et le grec, les langues germaniques comme l’allemand ou l’anglais, les langues slaves comme le russe, et les langues celtes comme le breton, ainsi que, bien sûr, toutes les langues issues du latin comme le français ou l’espagnol.
(Source : http://www.languefrancaise.net/HLF/Genealogie)
Plus précisément, le sanskrit appartient à la branche indo-iranienne de cette famille, dans la sous-branche indo-aryenne. Les langues de l’Inde moderne se divisent en deux grandes familles : dans le sud on trouve majoritairement les langues dravidiennes, par exemple, le tamoul, qui n’ont rien à voir avec les langues indo-européennes.
En revanche, plus au nord, on trouve les langues indo-aryennes qui dérivent toutes du sanskrit. Dans ce groupe on trouve, entre autres, le hindī, le kāśmīrī, le bangālī, le pañjābī ou encore le marāṭhī qui est parlé dans l’état de Mahārāṣṭra dont les deux plus grandes villes sont Bombay et Pune. C’est à Pune que se trouve l’institut Iyengar ; le marāṭhī est en fait la langue maternelle d’Iyengar.
Le sanskrit classique a, lui aussi, évolué d’un ancêtre, le vieil indien. La plus ancienne forme attestée de ce vieil indien est le védique, la langue des Védas, qui est né de l’indo-iranien, tout comme la langue avestique, la langue de l’Avestā, le livre sacré des iraniens zoroastriens. Le védique est donc une forme archaïque du sanskrit, et les premiers textes de cette tradition datent de plus de mille ans avant notre ère. La fin de cette période du sanskrit védique est marquée par le travail de Pāṇini, un grammairien indien qui vivait aux alentours du 5ème siècle avant notre ère. Il est célèbre pour avoir formulé les règles de la langue dans une œuvre qui s’appelle l’Aṣṭādhyāyī (ce qui veut dire « huit chapitres » – on retrouve le « aṣṭa » du yoga aṣṭāṅga, « huit membres »). L’Aṣṭādhyāyī est composé de 3,959 sūtra d’une concision impressionnante, et cette œuvre a fortement influencé la linguistique moderne. Les techniques employées par Pāṇini, avec un système de méta-règles et symboles auxiliaires, ont été redécouvertes aussi par les informaticiens, qui utilisent de tels modèles pour générer des langages de programmation.
Panini, le grammairien
Au 3ème siècle avant notre ère, l’Inde était gouvernée par le roi Aśoka qui, à la suite d’une bataille sanglante, s’est converti au bouddhisme. Pour propager le dharma du Bouddha, il a fait graver sur pierre les lois du bouddhisme. Ces inscriptions étaient écrites dans les dialectes et langues vernaculaires, car elles étaient destinées au peuple. Ces langues, dérivées du sanskrit, s’appelaient prākṛta, qui signifie « originel, naturel » (c’est la même racine que prakṛti). Elles ont donné naissance à la multitude des langues indo-aryennes présentes en Inde aujourd’hui. Elles sont considérées moins « nobles » que le sanskrit, même si certaines d’entre elles sont devenues à leur tour de grandes langues culturelles et littéraires.
Notre ami Patanjali (Patañjali ) entre en scène un peu plus tard, vers le 2ème siècle avant notre ère, avec son Mahābhāṣya, ou « Grand Commentaire » sur les travaux de Pāṇini et un autre important grammairien, Kātyāyana. Il montre que le sanskrit est encore une langue vivante, mais qu’il est souvent émaillé de formes dialectes. Patañjali reconnaît l’existence des prâkrits (les langues vernaculaires), et il voit d’un mauvais œil leur influence sur le sanskrit. La notion de norme grammaticale apparaît plus fortement, et c’est à partir de là que le sanskrit se fige et devient le sanskrit classique qui n’évoluera plus. Bien que ce ne soit pas un terme utilisé par Patañjali lui-même, c’est aussi pendant cette période que la langue commence à s’appeler « sanskrit » ou, plus précisément, saṃskṛta, ce qui veut dire « parfait », « parachevé ». Auparavant, la langue était désignée simplement par les mots « vāc » ou « śabda », signifiant « la parole, la langue ». Le sanskrit est aussi connu sous d’autres épithètes plus poétiques comme gīrvāṇabhāṣā, « la langue des dieux ».
Le sanskrit comporte seize voyelles et puis vingt-cinq consonnes réparties en cinq groupes de cinq consonnes. Ensuite il y a quatre semi-voyelles, trois sifflantes (comme śa et sa) et une aspirée (ha). L’alphabet sanskrit est organisé de façon très logique, en fonction du point d’articulation des phonèmes et d’autres caractéristiques phonétiques (voir ci-dessous pour plus de précisions sur la prononciation). L’écriture qui est généralement utilisée pour le sanskrit s’appelle la devanāgarī, « de la cité divine », mais ceci n’a pas toujours été le cas. Autrefois les textes en sanskrit étaient rédigés dans une multitude d’écritures différentes, selon la région. Pour la plupart, ces écritures, tout comme la devanāgarī, dérivent d’un ancien système d’écriture, la brāhmī, qui était utilisée, entre autres, pour les inscriptions du roi Aśoka. En fait, ce sont les colons britanniques qui ont décidé d’imposer la devanāgarī comme seule écriture pour le sanskrit, et aujourd’hui c’est le système qui est utilisé majoritairement en Inde ainsi que dans les éditions occidentales.
Il ne faut pas oublier non plus que, pendant longtemps, le sanskrit faisait partie d’une tradition purement orale, les textes écrits étant relativement récents. En effet, la culture indienne est avant tout orale et, pour les croyants, la prononciation correcte des textes sacrés est primordiale. Beaucoup de textes expliquent l’importance d’une prononciation exacte et les conséquences fâcheuses qu’une erreur de diction peut entraîner dans la récitation d’une prière ou d’une formule. De même, il est expliqué que bien prononcer une formule garantit sa réussite : ainsi, un être animé de mauvaises intentions, comme un démon, peut obtenir des pouvoirs magiques au moyen des formules efficaces. Par ailleurs, l’apprentissage des Veda est resté longtemps ésotérique, et leur récitation strictement contrôlée, pour qu’ils ne tombent pas entre de mauvaises mains.
Donc, même avant l’œuvre magistrale de Pāṇini, les brahmanes étudiaient de près la phonétique de la langue sacrée. L’étude des textes védiques se faisait selon les six Vedāṅga, dont quatre concernent directement des thèmes linguistiques : la śikṣā qui est la science de l’articulation correcte et de la prononciation exacte ; le chandas qui traite de la métrique et de la prosodie ; le vyākaraṇa (ou grammaire) ; et le nirukta qui concerne l’étymologie et la valeur symbolique des lettres et des syllabes.
D’après certains textes shivaïtes, ce serait Śiva lui-même qui aurait créé les phonèmes sanskrits et ceci explique aussi l’importance accordée à la prononciation exacte. Un sens profond et un pouvoir précis sont attribués à chacun de ces phonèmes divins, qui représentent aussi chacun un dieu ou une déesse : ka, par exemple, représente Brahmā, tandis que śa représente Lakṣmī. Chaque phonème est aussi associé à une couleur, un élément et d’autres attributs. Leur manipulation correcte est essentielle pour la réussite de tout vœu, rituel ou mantra.
Je rends hommage à Parvatī et Śiva, parents de l'univers, indissolulement unis,
tels les mots et leurs sens, émis pour faire éclore
la compréhension du sens de la parole.
Kālīdāsā, Raghuvaṃśa
L’extrême importance religieuse et magique portée successivement par le védisme, le brahmanisme et l’hindouisme à la prononciation rituelle des versets sacrés est donc à souligner. Et pourtant, comme d’autres langues, le sanskrit a ses accents régionaux. Si on prend l’exemple du mot « sanskrit » (saṃskṛta) lui-même, il se prononce « sanskrit » en aval du Gange, mais plutôt « sanskrout » en amont. Mais, pour la prononciation classique, ce ne serait ni l’un ni l’autre : le « r » est en fait une voyelle ici, sans « i » ni « ou » ajouté. Il faut espérer que les dieux ne sont pas trop tatillons... On retrouve le « r » en tant que voyelle (ou « r vocalique ») aussi dans Vṛkṣāsana, qui est souvent écrit avec un « i » : « Vrikshâsana »).
Une autre voyelle inhabituelle pour nous est le « l vocalique », mais elle ne pose pas beaucoup de problèmes car elle n’apparaît que dans un seul mot sanskrit ou, plus exactement, dans la racine (kḷp) et quelques formes conjuguées du verbe kalpate, qui signifie « convenir » ou « être ordonné ». Mais il y a mieux : la version longue de cette voyelle ne figure dans aucun mot, pas un seul... Elle aurait existé dans des langues ancêtres du sanskrit et, si elle a sa place dans l’alphabet (et souvent elle en est exclue, d’ailleurs), c’est pour des raisons purement théoriques – elle complète, en quelque sorte, le tableau des voyelles.
Pour parler un peu plus de la grammaire sanskrite... Le sanskrit est une langue hautement flexionnelle, c’est-à-dire que les mots changent leur forme en fonction de leur rôle dans la phrase. En français, la conjugaison des verbes est un exemple de flexion mais, à part les paires masculin/féminin et singulier/pluriel, les noms ne changent pas de forme en français. Par contre, en sanskrit, les noms se déclinent en fonction du genre (trois en sanskrit : masculin, féminin et neutre), et du nombre (singulier et pluriel, mais aussi duel, par exemple, hastaḥ : une main ; hastau : deux mains ; hastāḥ : mains au pluriel) et, tout comme en latin, les noms se déclinent aussi en fonction du cas, dont il y a huit en sanskrit : le nominatif (qui correspond au sujet) ; l’accusatif (objet) ; l’instrumental (ce au moyen duquel l’action se fait) ; le datif (le destinataire de l’action) ; l’ablatif (qui exprime la séparation ou l’origine) ; le génitif (qui exprime souvent l’appartenance) ; le locatif (situation, lieu, etc.) et le vocatif, qu’on utilise pour appeler ou s’adresser à quelqu’un. À titre d’exemple, dans les deux premiers mots de l’invocation à Patañjali, on a yogena qui est le mot yoga décliné à l’instrumental (« par le yoga »), et cittasya, qui est le mot citta décliné au génitif (« de la conscience »). Pour apprendre une déclinaison, il est traditionnel de choisir le nom d’un dieu. Pour les débutants, les déclinaisons ont été rédigées sous forme de versets, ou śloka, appris par cœur, et qui rappellent à l’étudiant des épisodes des épopées indiennes comme le Rāmāyaṇa et l’histoire de Kṛṣṇa.
Quant aux verbes, ils sont classés en dix groupes ou gaṇa. Le verbe sanskrit est composé de trois éléments : une racine (ou dhātu) ; un affixe spécifique au groupe (ou vikaraṇa) ; et la forme conjuguée (ou pratyaya). Pour chaque groupe, il y a deux séries de conjugaisons, ou désinences, appelées parasmaipada et ātmanepada. Certains verbes se conjuguent en parasmaipada, d’autres en ātmanepada, et d’autres encore admettent les deux. Dans le sanskrit ancien les désinences parasmaipada, ce qui veut dire « mot pour un autre », signifiaient que l’action était accomplie pour quelqu’un d’autre que l’agent, tandis que les désinences ātmanepada, ce qui veut dire « mot pour soi », étaient utilisées si l’action était faite au bénéfice de l’agent lui-même (un peu comme les verbes pronominaux réfléchis en français). Cette distinction n’existe plus dans le sanskrit dit classique, où c’est l’usage qui détermine quelles désinences s’appliquent.
Il y a trois personnes en sanskrit, tout comme en français. Cependant, ce qu’on appelle la troisième personne en français a un nom qui signifie « première personne » en sanskrit. Notre deuxième personne s’appelle la personne « médiane » en sanskrit, et notre première personne s’appelle la « dernière personne ». Tout comme pour les noms, il y a trois nombres également pour les verbes sanskrits, à savoir : singulier, duel, et pluriel : le verbe va donc se conjuguer différemment en fonction du nombre (je, nous deux, nous tous ; tu, vous deux, vous tous, etc.) Parmi les temps on trouve, entre autres, le présent, le parfait et l’imparfait, mais aussi d’autres temps un peu moins familiers, comme le futur périphrastique, qui est utilisé pour une action future proche, ou le temps aoriste qui est utilisé pour exprimer un passé récent. Quant aux modes, le subjonctif, qui était l’un des modes de la langue védique, est inusité en sanskrit classique, où ses fonctions ont été remplacées par un autre mode qui s’appelle l’optatif.
YOGA
Une autre caractéristique du sanskrit est le processus qu’on appelle saṃdhi, ce qui signifie « jonction » ou « liaison ». Il concerne les modifications phonétiques que subissent les lettres qui se suivent dans un énoncé et, d’ailleurs, le mot saṃdhi est utilisé aussi par les linguistes occidentaux pour décrire de telles modifications. On parle de « saṃdhi externe », qui concerne le contact entre la syllabe terminale d’un mot et la syllabe initiale du mot suivant, et de « saṃdhi interne », qui concerne les modifications à l’intérieur d’un mot. La liaison en français est donc un exemple de saṃdhi externe. Cependant, en sanskrit le phénomène est beaucoup plus répandu – le saṃdhi se trouve partout et son utilisation est systématique, suivant des règles très précises. Par exemple, dans le deuxième sūtra des Yoga Sūtra ou Patañjali définit le yoga : yogaś citta-vṛtti-nirodhaḥ (« Le yoga est l’arrêt des fluctuations de la conscience »). Ici, le premier mot est le mot yoga au nominatif singulier, yogaḥ, mais yogaḥ devient yogaś devant le « tch » de citta. On a donc yogaś citta plutôt que yogaḥ citta. Cette règle s’appliquera chaque fois qu’un mot qui se termine avec ḥ est suivi d’un mot qui commence par c.
Les règles de saṃdhi déterminent aussi ce qui se passe quand deux voyelles se rencontrent. Par exemple, quand un mot qui se termine en « a » est suivi d’un mot qui commence par « u », le « a » + « u » devient « o ». On voit ce processus dans les noms de certaines postures : paścima + uttānāsana devient paścimottānāsana, et pārśva + uttānāsana devient pārśvottānāsana. De même, quand un mot qui se termine en « a » est suivi d’un mot qui commence par « e », le « a » + « e » devient « ai » : c’est pourquoi on dit pārśvaikapāda sarvāṅgāsana et non pārśvaekapāda sarvāṅgāsana. Un dernier exemple : quand un mot qui se termine en « a » est suivi d’un mot qui commence par « ī », le « a » + « ī » devient « e ». C’est le cas de Gaṇeśa, qui est seigneur (īśa) du gaṇa, la troupe des serviteurs de Śiva (gaṇa + īśa = gaṇeśa). En parlant de Gaṇeśa, on entend tantôt Gaṇeśa, tantôt « Ganesh ». Ceci s’explique par le fait que, déjà en sanskrit, et puis surtout dans certaines des langues qui en dérivent, comme le hindī, le « a » final des mots est à peine prononcé, ou disparaît complètement (c’est un peu comme l’histoire du « e muet » en français). C’est pour ça aussi qu’on entend souvent les noms des postures prononcés sans le « a » final de āsana (Śavāsan). En Inde, d’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre le mot yoga prononcé « yog »...
Pour terminer, on peut dire que la langue sanskrite est certes très complexe mais, en même temps très régulière. En effet, les conjugaisons et déclinaisons foisonnent et les règles sont nombreuses et variées, mais il y a peu d’exceptions. L’étude du sanskrit est fondamentale dans le cadre de la linguistique comparée, et intéresse aussi des chercheurs dans d’autres domaines des sciences cognitives. Par ailleurs, la littérature sanskrite est l’une des plus riches du monde, par la variété des sujets dont elle traite et par son extension dans le temps. Tout ceci, ajouté à son importance en tant que langue religieuse et son caractère sacré pour les dévots, assure sa pérennité.
LA PRONONCIATION DU SANSKRIT
Quelques points à retenir :
- Un trait au-dessus d’une voyelle représente une voyelle longue : par ex., « ā » est deux fois plus long que « a ». NB : « e » et « o » sont toujours longs et (« e » se prononce comme un « é » long).
- « u » se prononce « ou » (par ex. guru se prononce « gourou »)
- « ṛ » est une voyelle qui se prononce comme un « r » roulé suivi d’un « i » très bref. La consonne « r » est également roulée.
- Les deux diphtongues « ai » et « au » se prononcent respectivement comme « ail » et le « aou » de « caoutchouc ».
- « ṃ » s’appelle anusvāra en sanskrit : il nasalise la partie finale de la voyelle qui précède. Il se prononce par défaut comme « m » mais, en fonction de la consonne qui suit, il se prononcera plutôt comme une des différentes consonnes nasales :
- « ṅ » est vélarisé : il se prononce comme le « ng » de « parking » et précède les consonnes vélaires « k », « kh », « g » et « gh » (par ex. sarvāṅgāsana).
- « ñ » est palatalisé : il se prononce comme « gn » de « signe » et précède les consonnes palatales « c », « ch », « j », « jh » (par ex. Patañjali). NB : la combinaison « jñ » se prononce un peu comme le « ng » de « parking » suivi d’un « y » (par ex. jñāna se prononce « ngyâna »).
- « ṇ » est le « n » cérébralisé ou rétroflexe, c’est-à-dire qu’il s’articule avec la pointe de la langue tournée vers le haut et en arrière, touchant le sommet du palais. Il précède les consonnes cérébrales (ou rétroflexes) qui s’articulent de la même manière : « ṭ », « ṭh », « ḍ », « ḍh » (par ex. daṇḍāsana). Il peut se trouver aussi entre deux voyelles (par ex. prāṇāyāma).
- « n » se prononce comme en français, et précède les consonnes dentales « t », « th », « d », « dh ».
- « m » se prononce comme en français, et précède les consonnes labiales « p », « ph », « b », « bh ».
- « g » est toujours dur (par ex. yoginī se prononce « yôguinî »).
- « c » se prononce « tch » (par ex. citta se prononce « tchit-ta »).
- « j » se prononce « dj » (par ex. vajrāsana se prononce « vadjrâsana »).
- Une consonne suivie de « h » se prononce avec une aspiration : « ph » se prononce donc comme « p » avec une aspiration (et non « f » !). Les consonnes aspirées sont des phonèmes à part entière en sanskrit. « h » au début d’un mot, ou suivant une voyelle, est aussi prononcé avec aspiration.
- « ḥ » s’appelle visarga en sanskrit : il indique que la voyelle précédente est répétée en écho avec aspiration (par ex. namaḥ se prononce « nama-ha » ; hariḥ se prononce « hari-hi »).
- « ś » se prononce « ch » (par ex. śalabhāsana se prononce « chalabhâsana »).
- « ṣ » est rétroflexe : il se prononce comme « ch » mais l’articulation est cérébrale (voir « ṇ » ci-dessus pour explication).
- « s » est toujours dur (il ne se prononce jamais comme le « s » de « rose »).
Une apostrophe indique l’élision d’un « a ».
LA PROSODIE SANSKRITE
En sanskrit les syllabes sont brèves ou longues, et c’est souvent en fonction de la longueur des syllabes que les mantra, śloka et autres vers sont composés. Une syllabe qui contient une voyelle longue (« ā », « ī », « ū », « ṝ », « e », « ai », « o », « au ») sera forcément longue. Par contre, une syllabe qui contient une voyelle brève (« a », « i », « u », « ṛ ») peut être brève ou longue – elle sera longue quand la voyelle est suivie de l’anusvāra (« ṃ »), du visarga (« ḥ ») ou d’une consonne conjointe.
Pour mieux voir tout cela, le vers suivant est décomposé en syllabes longues (soulignées) et brèves :
ॐ brah-mā-nan-daṃ pa-ra-ma-su-kha-daṃ ke-va-laṃ jñā-na-mūr-tiṃ
dvan-dvā-tī-taṃ ga-ga-na-sa-dṛ-śaṃ tat-tva-mas-yā-di-lakṣ-yam
e-kaṃ nit-yaṃ vi-ma-la-ma-ca-laṃ sar-va-dhī-sā-kṣi-bhū-taṃ
bhā-vā-tī-taṃ tri-gu-ṇa-ra-hi-taṃ sad-gu-ruṃ taṃ na-mā-mi
ha-riḥ oṃ
On peut voir que chaque ligne est composée de 17 syllabes selon le même schéma (+ + + + - - - - - + + - + + - + +), où « + » représente une syllabe longue et « - » représente une syllabe brève. (NB : une syllabe brève à la fin d’une ligne peut devenir longue si le mètre l’exige, ce qui explique le « mi » qui termine la quatrième ligne…). Ce mètre porte le nom mandākrāntā (« qui progresse lentement ») en sanskrit, et c’est une forme assez courante. Le Meghadūta du célèbre poète Kālidāsa, par exemple, est entièrement composé dans ce mètre.
Il y a beaucoup d’autres mètres dans la prosodie sanskrite : à titre d’exemple, la prière invocatoire à Patañjali qui suit est dans le mètre qui s’appelle sragdharā (« qui porte une guirlande »). La particularité de ce mètre est que chacune des lignes est composée de 21 syllabes selon le schéma suivant :
+ + + + - + + - - - - - - + + - + + - + +.
ॐ yas tyaktvā rūpam ādyaṃ prabhavati jagato 'nekadhānugrahāya
prakṣīṇa kleśa rāśir viṣama viṣadharo 'neka vaktraḥ subhogī
sarva jñāna prasūtir bhujaga parikaraḥ prītaye yasya nityaṃ
devo 'hīśaḥ sa vo 'vyāt sita vimala tanur yogado yoga yuktaḥ
(La traduction suivante vient de Lumière sur les Yoga Sūtra de Patañjali de B.K.S. Iyengar :
"Prosternons-nous devant le Seigneur Ādiśeṣa, qui se manifesta sur terre en Patañjali afin de donner aux être humains santé et harmonie.
Rendons hommage au Seigneur Ādiśeṣa, porteur d'une multitude de têtes de serpents et de bouches remplies de poisons mortels, qu'il quitta pour s'incarner sur terre, avec une seule tête, en Patañjali, afin de détruire l'ignorance et de vaincre les afflictions.
Vénérons-le, dépositaire de toute connaissance, parmi sa suite de serviteurs.
Prions le Seigneur dont la forme primordiale brille d'un éclat pur et blanc, dont le corps est d'une limpidité absolue, qui est le maître du yoga dont le rayonnement permet à l'humanité de demeurer là où règne l'âme immortelle.")
La gāyatrī (« celle qui chante ») est un mètre védique composé de 24 syllabes qui, en règle générale, sont réparties en trois vers de huit syllabes. La distribution des syllabes brèves et longues peut varier. L’œuvre la plus connue dans ce mètre est le célèbre Gāyatrī mantra, considéré comme très sacré par les Hindous, qui s’adresse au Soleil en tant que Créateur :
ॐ tat savitur vareṇyaṃ
bhargo devasya dhīmahi
dhiyo yo naḥ pracodayāt
Bibliographie
FILLIOZAT Vasundhara, Éléments de Grammaire sanskrite, 2007
MONIER-WILLIAMS Monier, A Sanskrit-English Dictionary, 1899
APTE Vaman Shivram, The Student’s Sanskrit-English Dictionary, 1970
HOUSTON Vyaas, Sanskrit by CD, 1991
WIKNER Charles, A Practical Sanskrit Introductory, 1996
+ sites internet :
wikipedia.org
learnsanskrit.org
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