Aum - Ôm

Par Claire, 12 août, 2023
ÔM

Claire Arthus-Champon (2013)


Aum ou Ôm est considéré comme le son primordial, origine de la création, la semence de laquelle le langage est issu. Tous les sons qui existent en proviennent, Aum est la présence de l’Absolu dans le monde.

Selon certains théologiens hindous, l’univers est issu de cette vibration  sonore émise « au commencement » par le maître de l’univers Prajapati, il s’agit donc d’une parole créatrice au sens biblique : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu" (Jean 1, 1)

Selon d’autres, cette vibration est éternelle et tout ce qui existe est la manifestation des virtualités contenues en germe dans le son.

Dans les deux cas, le symbolisme est musical : tout ce qui existe est un ensemble indéfini d’harmoniques dont la référence unique est le Son fondamental.

Dans la célèbre formule, E = mc2, on retrouve aussi une énergie primordiale ou vibration qui est à l’origine de la matière.

La transcription de ce son originel en langage humain a donné la monosyllabe Ôm, que l’on écrit Om ou Aum.
Pour les grammairiens philosophes, il y a une diphtongue suivie de la résonance nasale.

Cette triade traduit les 3 parties constitutives de l’Univers :

AUM
Terre
Brahma, qui crée le monde
Origine de la Création
Corps (sharira)
Etat de veille
Masculin
Passé
Résonne dans le coeur
Ciel
Vishnu, qui maintient le monde
Tendance de cohésion
Mental (manas)
Etat de rêve
Féminin
Présent
Résonne dans la gorge
Espace intermédiaire
Shiva, qui détruit le monde pour le régénérer
Force de résorption
Âme / Soi (artman)
Sommeil profond
Neutre
Futur
Résonne dans la tête et sur les lèvres

La grande courbe à gauche représente le monde matériel, lui est accolée à droite une petite aile qui désigne le domaine de la pensée qui mène au rêve. Celle en haut à gauche symbolise l’inconscient.
Détaché du corps de ces 3 courbes liées entre elles et, comme surplombant le tout dans une légère oblique, un croissant de lune loge en son point la Conscience (une demi-lettre que seuls les yogis peuvent percevoir).

Ce point, c’est turîya, le 4° état qui représente la conscience absolue, l’infini ("il ne peut être perçu que par les hommes qui ont déjà surmonté les trois courbes, puis atteint le point pour se fondre avec lui. Le point peut être interprété comme conscience absolue, comme conscience observatrice située au-delà du corps et de la pensée, ou comme délivrance du monde des phénomènes" dictionnaire de la sagesse orientale).                                        

Dans le Veda, il est fait référence à Aum sous le terme de pranava "le son du bourdonnement" ou udgita "le chant qui élève" (Yajur Veda, verset 1.1).

Dans le Rig Veda, il est question du pouvoir du son Vach qui crée l’univers entier :

"Au commencement est Brahman, Seigneur de tout ce qui existe.
Avec lui est Vach, le Verbe, Et le Verbe, en vérité, est Brahman."

 

Les plus anciennes références sont dans les Upanishads, surtout dans la Mandukya Up. :

      "Ôm, l’impérissable son est la graine de toute création.
Passé, présent, futur, tout cela n’est rien sinon le déploiement de Ôm.
Quant à ce qui transcende les trois royaumes du temps, cela, en vérité est l’éclosion du son Ôm."

A l’expérience du monde extérieur correspond A, le son premier, source d’action et de réussite.
Celui qui s’ouvre à cet aspect agit librement et connaît le succès.

A l’expérience du monde intérieur correspond U, le deuxième son, source d’observance, source d’intégration. Celui qui s’ouvre à cet aspect perpétue la tradition de la sagesse et intègre lui-même les multiples facettes de la vie. Tout ce qu’il rencontre lui parle de Brahman.

Au sommeil sans rêves, correspond M, le troisième son, source d’équilibre et d’union.
Celui qui s’ouvre à cet aspect ne fait plus qu’un avec le monde et possède la mesure de toute chose.
Quant au Soi unique et pur, indivisible, indescriptible, le bien suprême, un sans second, il correspond à Ôm dans sa totalité. Celui qui s’ouvre à cela devient alors le Soi."

Les Upanishads (Gilles Farcet)

 

La syllabe AUM est l’arc qui lance la flèche du Soi (atman) vers la cible de l’Absolu (Brahman).

Pour les hommes dans cet univers, Ôm est le support de l’existence, sa raison d’être et l’assurance de sa pérennité, d’où son rôle très important dans les rites (de même que  le Amen de la liturgie chrétienne).
Chaque récitation d’un texte sacré doit être précédée et suivie d’un Ôm : Ôm... Ôm, on retrouve le temps cyclique, la respiration cosmique à la base de la métaphysique hindoue.

Dans les Yoga Sutra de Patanjali, Ôm (pranava) est l’un des noms du Divin (YS 1.27 et I.28) et le fait de le répéter inlassablement (japa) permet de découvrir la nature de la divinité. Patanjali n’invite pas à méditer sur Ôm mais à un exercice de répétition censé induire un état de méditation profonde qui permet l’accès à une conscience cosmique : la vibration sonore émise par le pratiquant étant analogue à celle qui soutient le monde, elle produirait dans la conscience un dévoilement du secret de l’existence.

Voici ces sutras et leurs commentaires par JBO (Jean Bouchart d’Orval) et BKSI (BKS Iyengar) :

YS I.27 : Tasya vacakah pranavah
JBO : on l’évoque par le son sacré AUM
BKSI : il est représenté par la syllabe sacrée AUM, appelée pranava

YS I.28 : Tajjapas tad artha bhavanam
JBO : nous devons répéter le nom du divin et en réaliser l’essence
BKSI : il faut répéter le mantra AUM continuellement, en y mettant tout son cœur et en étant conscient de sa pleine signification.

YS I.29 : tatah pratyakcetanadhigamo kspyantarayabhavas ca
JBO : alors la connaissance de l’Esprit unique s’épanouit et les obstacles s’évanouissent.
BKSI : méditer sur Dieu en répétant Aum détruit les obstacles à la maîtrise de l’être intérieur.

 

Ôm est aussi le mantra de Ganesh, le dieu à tête d’éléphant invoqué lors des commencements parce qu’il lève les obstacles.
On retrouve Ôm dans le bouddhisme (ou le battement du gong pour ponctuer les rites), dans le jaïnisme, le sikhisme...
Et également, plus proche de nous, dans l’Egypte ancienne (Amun ou amen), dans le judaïsme et le christianisme (amen), non pas que les hommes soient à l’origine de ces transferts d’une civilisation à une autre, mais plutôt comme s’il y avait une Tradition primordiale, une même vérité présente dans chaque tradition.

 

 

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